Le secteur de l’habilement a connu de nombreuses transformations depuis les débuts de l’ère moderne. D’un modèle reposant sur la disponibilité des matières premières naturelles (coton – laine) et sur les collections de saisons (printemps-été et automne-hiver), nous sommes passés à un modèle plus intensif avec l’arrivée des matières synthétiques (polyester, polyamide) et une augmentation du nombre de collections. Du fait de sa structure même, cette production a tendance à ne pas répondre à des impératifs climatiques mais à des impératifs de rentabilité par la consommation.
Les nouveaux modèles économiques qui ont émergé autour de 2005 privilégient le renouvellement très rapide des collections, des prix bas, des produits de moindre qualité et des vêtements fabriqués en quantité limitée sur une courte durée pour éviter les risques de stocks et la part des vêtements soldés. C’est ce qu’on appelle la« Fast-Fashion ».
Plus récemment avec l’arrivée de la vente en ligne, un autre modèle tente de s’imposer. Reprenant les éléments de la Fast-Fashion, il va également accélérer la suppression des points de vente physiques, augmenter le nombre de collections et pousser à la fabrication de vêtements de moindre qualité, sans qu’il n’y ait de contrôle du respect de la réglementation (notamment dans le cadre de Reach). Ce modèle est plus connu sous le nom d’ « Ultra Fast Fashion ».
Conséquemment à ce modèle, 100 milliards de vêtements sont produits par an et la tendance ne semble pas déterminée à ralentir avec une augmentation estimée de cette production à 163 milliards de vêtements d’ici 2030.
Les collections auparavant basées sur deux saisonnalités se multiplient pour atteindre dans les cas les plus extrêmes 52 collections par an !
Dans le même temps, selon le rapport Pulse of the Fashion de 2019, la durée d’utilisation d’un vêtement (le nombre moyen de vêtements portés avant qu’ils cessent d’être utilisés) à l’échelle mondiale a diminué de 36% par rapport à il y a 15 ans.
Aux États-Unis, les vêtements sont portés en moyenne 4 fois moins longtemps que la moyenne mondiale. La même tendance se dessine en Chine, où la durée d’utilisation des vêtements a diminué de 70% au cours des 15 dernières années.
En France, on estime que :
· 70% de notre garde-robe n’est jamais portée.
· 93% de nos vêtements ne sont pas portés depuis un an ou plus. Beaucoup de vêtements ne sont portés que 7 à 10 fois.
· Chaque année, un Français achète 9 kg de vêtements et en donne 3 kg.
À l'échelle mondiale, les clients perdent chaque année 460 milliards USD de valeur en jetant des vêtements qu'ils pourraient continuer à porter, ce qui représentent l’équivalent d’une benne de vêtements qui sont jetés à chaque seconde.
Cette augmentation exponentielle de la production et la consommation d’articles de l’habillement génère en corolaire une augmentation des déchets.
En étudiant les courbes liées au volume des déchets actuels lors de la production et à la fin de leur utilisation, on remarque que les déchets de l'industrie augmenteront d'environ 60% entre 2015 et 2030, ce qui représente 57 millions de tonnes de déchets supplémentaires qui sont rejetées chaque année.
Cela porte le niveau total des déchets de mode en 2030 à 148 millions de tonnes, ce qui équivaut à des déchets annuels de l’ordre de 17,5 kg par habitant à travers la planète.
La grande majorité des déchets de vêtements finissent dans des décharges ou sont incinérés.
A l'échelle mondiale, seulement 20% des vêtements sont collectés pour être réutilisés ou recyclés. 87% des matières utilisées dans la production de vêtements sont enfouies ou incinérées après leur utilisation finale, ce qui représente une opportunité perdue de plus de 100 milliards USD par an associée à des impacts environnementaux négatifs.
En 2019, moins de 1% des matériaux utilisés dans la fabrication des vêtements sont recyclés en vêtements neufs.
Dans ce contexte, l’upcycling peut jouer un rôle essentiel dans l’industrie de la mode pour prolonger la durée de vie des produits, améliorer l’efficacité des ressources et de l’énergie et gagner en circularité en luttant contre l’obsolescence programmée et prématurée.
En amont de la distribution, les déchets de l’habillement en France peuvent provenir de plusieurs sources.
En phase de tissage ou en phase de confection, les coupes de laize, les coupes de tissus lors de matelassage et les empiècements génèrent des chutes de production. Même si le fabricant peut chercher à diminuer ces pertes, y compris pour des raisons économiques, certains déchets sont incompressibles compte tenu de la technologie actuelle.
Pouvant être causés par :
En confection, les volumes seront moins importants mais les déchets peuvent être provoqués par :
En aval, la problématique viendra des surstocks de vêtements :
En France, selon le rapport : « les nouveaux modèles économiques de la mode »,des pratiques d’achat non optimisées peuvent être responsables de surstocks. C’est le cas par exemple de l’utilisation du ratio taux d’écoulement / Open To Buy (OTP.
Avec une prévision de vente de 100 (OTS)et un taux d’écoulement avant soldes prévu de 70%, les équipes achats vont acheter (OTB) 100/0,7, soit 142 (vs 100 de prévisions au départ). Ce raisonnement est une des explications des volumes de stocks trop importants. Le rapport plaide donc pour une modification des modes de production et de distribution des articles de l’habillement.
Selon le même rapport, les mois d’inter-saisons (février-mars) sont également propices à l’accumulation de stocks en raison du décalage entre les attentes des clients et l’offre en magasin, particulièrement à la suite d’une période de soldes.
Une internationalisation de la chaîne de valeur implique une certaine rigidité des structures de collection, avec un taux d’engagement avant saison atteignant les 80% sans capacité d’ajustement en cours de collection ou de saison, ce qui rend l’adaptation aux attentes peu flexible et aggrave cette problématique.
En conséquence, l’augmentation de la consommation d’articles d’habillement se traduit également par des vêtements de moins en moins portés et présents dans les armoires. La marque « Revive Clothing Lab » de la créatrice Yolande Klaassen propose par exemple aux particuliers de prendre contact avec elle pour voir de quelle manière les vêtements non portés pourraient être upcyclés. Ce contact direct entre le consommateur et le créateur permet de comprendre ce qui a motivé l’achat de ce vêtement. Pourquoi n’est-il pas porté ? Comment pourrait-il être transformé pour le détenteur du vêtement, ou éventuellement pour un autre client ? Cette proposition de valeur se trouve ainsi à mi-chemin entre le coaching personnalisé et la création sur-mesure.
Des témoignages de la part des collecteurs trieurs font entendre le fait que les vêtements donnés et collectés sont de moins en moins en état d’être revendus en seconde main.
À cela nous pouvons ajouter le fait que les plateformes comme Vinted prolongent la durée d’utilisation du vêtement et que celui est généralement donné lorsque sa qualité ne permet plus de le revendre en seconde main. Il devient alors un déchet.
L’autre raison est effectivement le constat d’une baisse de la qualité des vêtements. Cela peut s’expliquer par le souci de maximiser la rentabilité d’un vêtement en diminuant la qualité de ses composants ou en l’absence de traitement :
On pourra également mentionner la fréquence plus élevée de lavage, le non-respect des consignes d’entretien ainsi que l’utilisation de sèche-linge qui vont altérer la qualité du vêtement.
Nous avons pu réaliser un constat alarmant : le volume de vêtement produit et jeté, ainsi que le gaspillage associé à cette production sont très importants. Dans notre prochain article, nous définirons ce qu'est l'upcycling, cette pratique visant à redonner une vie à un vêtement usagé.
Pour lutter contre la pollution induite par cette production, nous proposons un outil logiciel d'évaluation d'impacts environnementaux et d'éco-conception. Nous avons également de l'expérience dans le montage de filières de recyclage pour redonner une seconde vie à vos produits industriels. Contactez nous !